ernesto riveiro

Eduardo Stupia, 2011
____________________________

Recuerdos de Constantinopla.
Eduardo Stupia, 2011.


10pami725913
Après 40 ans d’absence, Ernesto Riveiro revient à Buenos Aires avec une exposition pour laquelle il a choisi le titre évocateur de Recuerdos de Constantinopla (Souvenirs de Constantinople) . Riveiro en révèlera lui-même l’à propos, même si dans ses œuvres il est évident qu’il ne s’agit pas de garantir au spectateur une profusion de descriptions ou d’illustrations éloquentes. Le paysage arpenté par Riveiro n’est pas un territoire, ou en tout cas ce n’est pas celui du journal ou des carnets d’un peintre voyageur. Sa géographie n’a ni terre ni ciel, ni montagnes ni fleuves, ni animaux ni végétaux, ni personnages ni événements. Elle n’a pas non plus de palaces, de banlieues ou de forêts, même si nous ne pouvons être complètement sûr que tout cela ne soit pas là, donnant du poing pour atteindre une lisibilité narrative, luttant pour s’ouvrir un passage dans ce fastueux pandémonium de traits, lignes, trames, textures et tissages de couleur entrecroisées et superposées, ou encore, battant des ailes tels des formes fragiles, balbutiantes, incomplètes, fils de crayons ou de pastels.

Cette turbulence sémantique, même quand elle parait être l’implosion d’une énergie créatrice qui ne parvient pas à se consolider comme signe, prospère cependant, usant et abusant de tout recours permettant d’exprimer à l’extrême l’architecture du plan, tandis que s’exaspère la tension entre l’espace - ce que l’on appelle le motif - et la surface, entre les rhizomes, gribouillis et géométries chétives qui vibrent sous les projecteurs au premier plan, les couches de scories graphiques qui restent à l’arrière, submergées dans le tissage ouvragé, et un fond lointain et indéterminé, où cependant palpite aussi un substrat de sens.

Même dans les manifestations plus lyriques on peut détecter ce qui veut être l’écho, plus que l’expression, d’une mise en forme volontairement et délibérément négligée, affectée d’impossibilité, suffoquée par le chaos originel programmé par l’artiste dans son évasif laboratoire monacal où il examine comment serait l’apparence de cet élan qui s’efforce de s’arracher de l’ineffable pour atteindre des lueurs de discursivité. Tout ce spectacle d’un Riveiro, qui, tableau après tableau, concède et refuse, s’expose et se replie, parait couvrir de rideaux et de voiles le cheminement du regard, tout en lui offrant des leurres, des directions et des options. Plus qu’un style ou une stratégie de composition, ce qui nous accueille est une sorte de manifeste, de déclaration de principes, énoncée avec un puissant alphabet chromatique et graphique, qui opère par accumulation, addition, superposition et transparence, mais aussi selon les lois plus rigoureuses de la ligne, du ton et de la couleur et une orchestration fertile et reconcentrée de l’appareil graphique qui, apparemment brisé et détraqué, ne perd cependant jamais de précision et d’ aisance ni de poids et de gravité, installé dans une matérialité physique d’une sensorialité quasi tactile.

10pacn535319
Riveiro ajoute, élimine et combine physionomies, silhouettes, calligraphies, ossements d’alphabets inventés, profils et contours et toute une constellation symphonique de gommages, distorsions et vacillations pour se défaire, se retirer, avec ferveur idéologique, de toute logique de représentation, sans pour autant dédaigner la profusion de l’initié, la fébrilité du néophyte qui saisissent celui qui étreint l’infinie mascarade de la couleur et de la ligne. Sa main électrisée selon une constante mobilité opérationnelle persiste à encrypter tout le champ visible en strates géologiques de signification altérée tandis que se déploie amplement une écriture picturale sensible, qui dans le blanc et noir devient littéralement pré-linguistique.

C’est dans cette confrontation planifiée de révélation et d’occultation, de celui qui tisse et détisse simultanément la scène, que devient tangible non seulement une vérité esthétique mais aussi l’éthique implicitement contenue dans le titre, allusion à des faits servant à Riveiro de déclencheur, et qu’il résume clairement : « Le second concile de Nicée, où on a fini par adopter l’image comme ambassadrice visuelle de l’invisible, eut son origine à Constantinople. Les affrontements sanglants entre les iconoclastes et les défenseurs de l’image, obligèrent le déplacement du concile vers une province proche plus tranquille. Le nœud théologique et philosophique qu’il s’était alors agi d’élucider marque jusqu’à aujourd’hui l’Occident et sa relation avec la représentation. »


Eduardo Stupia, septembre 2011.

« Recuerdos de Constantinopla » Buenos Aires, octobre/novembre 2011.
1° partie : techniques mixtes, Galeria van Riel,
2°partie : crayons et crayons de couleurs, Centre Cultural Borges.


ernesto riveiro
2011, Eduardo Stupia


Eduardo Stupia, 2011
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Recuerdos de Constantinopla.
Eduardo Stupia, 2011.


10pami725913
Après 40 ans d’absence, Ernesto Riveiro revient à Buenos Aires avec une exposition pour laquelle il a choisi le titre évocateur de Recuerdos de Constantinopla (Souvenirs de Constantinople) . Riveiro en révèlera lui-même l’à propos, même si dans ses œuvres il est évident qu’il ne s’agit pas de garantir au spectateur une profusion de descriptions ou d’illustrations éloquentes. Le paysage arpenté par Riveiro n’est pas un territoire, ou en tout cas ce n’est pas celui du journal ou des carnets d’un peintre voyageur. Sa géographie n’a ni terre ni ciel, ni montagnes ni fleuves, ni animaux ni végétaux, ni personnages ni événements. Elle n’a pas non plus de palaces, de banlieues ou de forêts, même si nous ne pouvons être complètement sûr que tout cela ne soit pas là, donnant du poing pour atteindre une lisibilité narrative, luttant pour s’ouvrir un passage dans ce fastueux pandémonium de traits, lignes, trames, textures et tissages de couleur entrecroisées et superposées, ou encore, battant des ailes tels des formes fragiles, balbutiantes, incomplètes, fils de crayons ou de pastels.

Cette turbulence sémantique, même quand elle parait être l’implosion d’une énergie créatrice qui ne parvient pas à se consolider comme signe, prospère cependant, usant et abusant de tout recours permettant d’exprimer à l’extrême l’architecture du plan, tandis que s’exaspère la tension entre l’espace - ce que l’on appelle le motif - et la surface, entre les rhizomes, gribouillis et géométries chétives qui vibrent sous les projecteurs au premier plan, les couches de scories graphiques qui restent à l’arrière, submergées dans le tissage ouvragé, et un fond lointain et indéterminé, où cependant palpite aussi un substrat de sens.

Même dans les manifestations plus lyriques on peut détecter ce qui veut être l’écho, plus que l’expression, d’une mise en forme volontairement et délibérément négligée, affectée d’impossibilité, suffoquée par le chaos originel programmé par l’artiste dans son évasif laboratoire monacal où il examine comment serait l’apparence de cet élan qui s’efforce de s’arracher de l’ineffable pour atteindre des lueurs de discursivité. Tout ce spectacle d’un Riveiro, qui, tableau après tableau, concède et refuse, s’expose et se replie, parait couvrir de rideaux et de voiles le cheminement du regard, tout en lui offrant des leurres, des directions et des options. Plus qu’un style ou une stratégie de composition, ce qui nous accueille est une sorte de manifeste, de déclaration de principes, énoncée avec un puissant alphabet chromatique et graphique, qui opère par accumulation, addition, superposition et transparence, mais aussi selon les lois plus rigoureuses de la ligne, du ton et de la couleur et une orchestration fertile et reconcentrée de l’appareil graphique qui, apparemment brisé et détraqué, ne perd cependant jamais de précision et d’ aisance ni de poids et de gravité, installé dans une matérialité physique d’une sensorialité quasi tactile.

10pacn535319
Riveiro ajoute, élimine et combine physionomies, silhouettes, calligraphies, ossements d’alphabets inventés, profils et contours et toute une constellation symphonique de gommages, distorsions et vacillations pour se défaire, se retirer, avec ferveur idéologique, de toute logique de représentation, sans pour autant dédaigner la profusion de l’initié, la fébrilité du néophyte qui saisissent celui qui étreint l’infinie mascarade de la couleur et de la ligne. Sa main électrisée selon une constante mobilité opérationnelle persiste à encrypter tout le champ visible en strates géologiques de signification altérée tandis que se déploie amplement une écriture picturale sensible, qui dans le blanc et noir devient littéralement pré-linguistique.

C’est dans cette confrontation planifiée de révélation et d’occultation, de celui qui tisse et détisse simultanément la scène, que devient tangible non seulement une vérité esthétique mais aussi l’éthique implicitement contenue dans le titre, allusion à des faits servant à Riveiro de déclencheur, et qu’il résume clairement : « Le second concile de Nicée, où on a fini par adopter l’image comme ambassadrice visuelle de l’invisible, eut son origine à Constantinople. Les affrontements sanglants entre les iconoclastes et les défenseurs de l’image, obligèrent le déplacement du concile vers une province proche plus tranquille. Le nœud théologique et philosophique qu’il s’était alors agi d’élucider marque jusqu’à aujourd’hui l’Occident et sa relation avec la représentation. »


Eduardo Stupia, septembre 2011.

« Recuerdos de Constantinopla » Buenos Aires, octobre/novembre 2011.
1° partie : techniques mixtes, Galeria van Riel,
2°partie : crayons et crayons de couleurs, Centre Cultural Borges.